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À Monsieur Dumont, chef du bureau des beaux-arts au Ministère de l’Intérieur, etc., rue de Grenelle, à Paris.

Rome, 31 août 1837.

Cher ami, excusez-moi de vous écrire si rarement ; ce n’est point un défaut du cœur, je vous prie de le croire, et je vous assure avec toute sincérité que mon affection et mon attachement ne l’ont qu’augmenter, s’il est possible, pour vous et tout ce qui vous touche. Je vous suis d’autant plus attaché que le sentiment de la reconnaissance pour tous vos offices jamais démentis, à commencer du premier jour que je vous ai connu, me rend ces sentiments bien doux et bien faciles Je joins aussi les vœux les plus empressés pour votre parfait bonheur en toutes choses. Je vous remercie de l’intérêt que vous prenez à ma santé. Grâce à Dieu, depuis le commencement des chaleurs, tous mes maux ont cessé, et j’ai pu me remettre à faire quelque chose. C’est même à ce travail que je dois de ne pas m’attrister plus qu’il ne faut de l’état pernicieux où nous jette le choléra à Home. Espérons que nous sommes dans le plus fort de sa colère, et puissions-nous nous en tirer comme la Providence l’a voulu jusqu’ici.

La villa continue à être encore inattaquée, frappée de terreur par la mort de notre pauvre et bien regretté Sigalon[1], la mort de six de nos voisines, les dames du Sacré-Cœur, dont la villa Médicis n’est séparée que par un jardin, et les soixante ou quatre vingts cas journaliers, dont vingt-cinq ou trente morts, et bien plus, dit-on, car, dans ce bienheureux pays, tout se cache, est mystérieux et, par conséquent, rien d’officiel. Cependant, depuis quelque temps, le moral de ces messieurs est bien calmé, et comme ils sont tous très bons, facilement je les amène comme moi à faire bonne contenance, espérant que Dieu

  1. Xavier Sigalon, chargé en 1833 de la copie du Jugement dernier de Michel-Ange.