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malgré tous les changements de ministres, on aura la justice et le bon sens de bien reconnaître tout ce que vous valez, pour vous bien traiter et conserver, et bien plutôt vous mettre à la place de bien d’autres qui devraient être au-dessous de vous. En attendant je vous embrasse, vous remercie de votre bonne amitié et je fais des vœux pour votre plus parfait bonheur dans un monde si tourmenté et si tourmentant.

Ma femme se joint à moi pour nous rappeler au souvenir de Mme Dumont.

Votre bien affectionné ami et dévoué serviteur.

Ingres.

M. Lego me charge de vous présenter ses compliments empressés et remerciements communs.

(Fonds Paul Bonnefon).


Rome, ce 15 juin 1836.
Mon cher Gatteaux,

……J’ai été très incommodé de tourments de tête qui, pendant très longtemps, m’ont privé de m’occuper et même de lire. Je suis mieux, mais il m’est revenu mon rhumatisme aux genoux. Je marche difficilement et suis peu leste pour agir ; ce qui fait qu’avec l’air du pays et son apathie, je mène absolument la vie de paresseux, ou de laborieux contemplatif seulement, à peu près dégoûté du monde et des choses, nullement touché ni d’argent ni de gloire, mais non privé de l’amour de l’art avec lequel je vis plus intimement que jamais, sans éprouver le moindre désir d’en faire. À propos, ceci nous mène à vous parler d’une vieille rancune, amicale toujours, bien entendu, dont je vais vous entretenir avec autant de franchise que vous en avez mis dans votre lettre du 6 février dernier, touchant ma situation morale. Il y a peu de vrais amis ; on est si heureux d’en avoir, de votre bon et loyal