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Rome qui lut décerné[1] à Granger, de beaucoup inférieur en talent à son camarade d’atelier.

On a allégué l’inimitié de David le Romain pour Flaxman le Grec qui avait fait, à plusieurs reprises, l’éloge d’Ingres. Mais Flaxman connut-il Ingres avant l’année 1801 ? Ne pénétrerait-on pas plus aisément le secret de ce premier échec, si l’on comptait le nombre des ennemis ou des indifférents que valut, dans l’atelier tumultueux de David, la calme théorie de naturalisme que ce nouveau révolutionnaire à sa façon ne craignit pas de formuler, envers et contre tous, — le maître de la maison y compris. L’indomptable lutteur n’obtint pas moins son prix en 1801, pour n’en jouir qu’en 1806. Le Ministère des Beaux-Arts, ruiné par la Révolution, eut ainsi le temps de réparer ses finances, et Ingres celui d’aller prendre au Musée des Petits-Augustins cette manie des documents graphiques qu’il continuera à entasser, sa vie entière, dans un fatras de cahiers qui lui feront perdre, en projets sans nombre d’histoire et de littérature, le temps qui ne pourra suffire à la réalisation des meilleurs. Cinq ans après, de Rome où il était enfin arrivé avec tant de peine, il put lancer ce premier manifeste de sa formule aussi classique que révolutionnaire et aussi modernisante qu’antique, cet Odipe sans casque ni clamyde et tout nu, tel que l’exprimerait, en chef-d’œuvre digne de tous les âges, un dessin sans surprise et une peinture sans fard. Ce fut aussi cette formule

  1. Le sujet du concours pour lequel Ingres obtint, en 1800, le second Grand -Prix de Rome, fut : Antiochus envoie à Scipion l’Africain, des ambassadeurs chargés de lui remettre son fils, qui avait été fait prisonnier sur mer. — Le sujet du concours pour lequel, en 1801, Ingres obtint le Premier Prix, fut : Les ambassadeurs d’Agamemnon devant la tente d’Achille. Une reproduction du premier tableau, envoyée par Ingres à son père, appartient à M. Combes père, à Montauban. L’original du deuxième figure dans la Galerie des Prix de Rome, à l’École des Beaux-Arts.