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XXXIV
Paris, ce 27 février 1832.

Mon cher et trop malheureux ami, si ma voix t’arrive si tard pour t’offrir ce que je ne sais appeler des consolations, c’est après en avoir senti l’impuissance.

Nous avons été frappés aussi terriblement que tu peux le penser par la lettre du bon ami Debia. Mon cher ami, pleurer avec toi, c’est tout ce que nous pouvons d’abord t’offrir, en rouvrant la plaie profonde. Pauvre Gilibert, et ta pauvre petite fille ? Je n’ose t’en demander des nouvelles. Et toi, pauvre ami, es-tu assez malheureux ? Cependant, anima, courage ! puisqu’elle vit, cette chère petite ! Alors et de toute manière, il faut tout supporter et continuellement combattre le sort le plus affreux et vaincre la mauvaise fortune. Lorsqu’on est armé d’honneur et d’une bonne conscience, on doit se remettre en route, avec l’espérance d’avoir épuisé tous les traits empoisonnés. Il faut tout faire, pour reprendre courage. De vrai bonheur, il n’en est pour aucun mortel.

Tu as une position qui assure ta liberté : apprécie l’étendue de ce bonheur. C’est par cela que, moi et tant d’autres, nous portons une chaîne au col, tirée continuellement par mille sujets de dépendance fatale. Quand nous voulons nous livrer à nos nobles penchants, à nos justes désirs, à l’amour de la vérité, quand nous voulons résister,