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sera pas influencer par les voisins ; car, par légèreté, nous nous affublons de leurs manies et gâtons nos qualités.

La sculpture est presque toujours plus forte que la peinture. Pradier dans son Prométhée et Ramey dans son groupe de Thésée, en sont la preuve ; et parce que cet art est plus sévère, plus un et, par conséquent, moins sujet à la mode, il n’a pas les faux-fuyants des autres branches diverses de la peinture. Notre ami te dira le reste, comme moi.

Mais parlons de lui. Tous les tableaux qu’il a apportés ne sont pas également peints dans l’esprit d’aujourd’hui, ni dans celui du Salon, et voilà pourquoi on n’en parle pas. Mais je les aime beaucoup, même avec leurs imperfections, parce que le fond en est bon. Il met du sentiment dans tout ce qu’il fait, de la grâce même beaucoup dans ses figures. Il a aussi du caractère ; on y voit un homme qui pense, exact, vrai et qui possède des qualités profondes. Mais il manque d’art. Est-ce parce qu’il a commencé trop tard ? Il n’a pas de grâce d’exécution, de jeunesse de main ; ce qui est, chez nous, indispensable et surtout aujourd’hui que la forme est l’idole. Enfin, il y a au Salon cent peintres qui n’ont aucune de ses qualités mais qui se font remarquer et se font des réputations. Sa route est bien meilleure, bien préférable : mais il faudrait, pour qu’il réussisse, qu’il prenne un peu de leurs bons côtés en l’unissant à ce qu’il a d’excellent. Il lui faut