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être bientôt. Par surcroit, je suis dans ce moment solliciteur ; je demande, et cette fois pour moi, la place que vient de laisser vacante M. Denon, mon « anti-moi » jusqu’à son dernier jour. Il est mort, et ce serait assez plaisant et assez piquant que je prenne sa place. Je fais donc toutes les démarches obligées. La renommée est pour moi. J’ai beaucoup de voix, dont je me suis assuré l’effet. Lorsque notre sort est dans les mains des hommes, il faut espérer et non compter sur le succès. Mes compétiteurs sont Horace, Blondel, Albert de Pujol, Heim et Redouté. À la dernière semaine, Horace, dit-on, et moi, nous sommes ceux entre qui l’affaire peut se débattre. Horace a eu onze voix, et moi sept ; mais il faut remarquer que presque toutes celles de M. Thé venin peuvent être à moi. Je suis, comme tu vois, mon bien cher, dans une assez grande impatience, désir et perplexité. Certes, outre l’honneur d’appartenir à une aussi grande Compagnie, en plus de ce qu’elle donne de véritable considération dans le monde, elle m’apporterait quinze cents livres fixes et, plus tard, la place de professeur à l’Académie des Beaux-Arts, qui est de cent louis. Ces revenus feraient le bonheur de ma vie et combleraient mes désirs et mon ambition puisque, avec mes goûts simples, j’aurais de quoi vivre et honorablement même à Paris, et puisque d’ailleurs tout ce que je pourrais gagner par des ouvrages de mon choix pourrait m’assurer même de l’aisance, un jour.