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du tout au tout. Je vais t’en reprendre d’un peu plus haut le récit, lorsque le roi nous a distribué nos croix au Salon. Tu l’as déjà appris par les journaux, et je ne te parlerai que de ce qui m’est personnel.

Avant la cérémonie et devant ce tableau, les artistes de tous les genres et de tous les goûts m’entouraient et me félicitaient sur mes ouvrages et sur l’heureux moment de ma gloire ; mais cela avec tant de cœur et de sentiment que, de ma vie, certainement je n’aurai un si beau. Arrive enfin le moment de l’appel. Si l’article des considérations politiques pour les puissances n’avait empêché ces messieurs des journaux d’être véridiques, ils auraient dû t’apprendre, plus tôt que moi, que les trois ou quatre puissances recouronnées ont été accueillies, les unes froidement, les autres mieux et bien ; que, pour le reste des simples croix, il y eut un silence désobligeant, quelques légères approbations et même des désapprobations ; mais que, lorsqu’on m’a nommé pour aller vers le Roi, les applaudissements ont été nombreux et unanimes et aussi marqués que possible devant la Majesté Royale. On a remarqué que les félicitations de la fin ne le cédaient pas, bien au contraire, à celles du commencement. Mais je ne suis pas allé prier ou rédiger moi-même l’article : je suis bien aise que tu le saches et que tu en fasses part à nos amis, avec prudence cependant. Enfin, j’ai bien regretté, cher ami, que tu n’aies pas joui de ce moment que tu aurais si bien partagé.