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ment pour lui et de deux grands ateliers, un pour les demoiselles et un pour les garçons. Je voudrais tout cela dans le Faubourg St-Germain et a portée du Louvre.

Enfin, j’espère me caser mal ou bien, pour le 15 juillet prochain, rue de l’Abbaye et, en face, trouver des ateliers, mais pas tous encore. C’est pourquoi j’habite, en attendant cette époque, deux mauvaises petites chambres, Quai des Augustins, n° 49, où, avec ma femme, nous couchons pour ainsi dire sur nos malles encore fermées. Enfin, tout est à contre-temps. Et le monde, que je suis obligé de voir trop et bien trop, par état et affaires ! Cela occasionne bien des soins et demande une tête, une mémoire, un esprit de conduite bien pénible pour moi qui vis parmi des hommes de qui je dois tout tenir et rien espérer. Je marche sur le volcan des amours-propres, source de tous les embarras et compromis possibles ; et c’est moi, moi, mon cher, qui suis à faire ce métier-là ! J’envie, vingt fois le jour, l’homme des bois et des champs quand je vois, ici, de mes yeux, que, plus on est élevé, plus on est malheureux. Au diable ! Me suis-je donné un pareil métier, (d’ailleurs si beau, si noble, si divin, à exercer dans sa seule acception et attribution), parce qu’il est, aujourd’hui, malgré la peine immense qu’il donne, l’échelon et le prétexte des honneurs et de la fortune ?

Cependant, celui qui parle ainsi est bien traité. Je dois dire que ma fortune a véritablement changé,