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goûts, j’ai pensé y apporter un autre grand ouvrage, beau sujet, traité déjà, mais pas comme j’ai fait : mon tableau de Virgile lisant à Auguste et à Octavie son VIe livre de l’Énéide. Grand comme nature, ce tableau est à Rome, où je l’ai peint, appartenant au général Miollis. Ce que je puis t’en dire, c’est que les artistes du meilleur goût regardent cet ouvrage, comme beau. On sollicite des billets pour aller le voir, car il se trouve dans une chambre qu’occupent souvent des Anglais de passage, dans cette villa Aldobrandini-Miollis. Lieu enchanteur, il n’est pas moins vrai que mon tableau s’y détériore par le feu ardent qu’on fait à côté et qui le fait s’écailler. Il y est, de plus, assez mal éclairé. J’espère que le Général ne se refusera pas à me le prêter. Ce tableau va être gravé. Dans ma prochaine, je t’en enverrai une idée croquée.

Je me sens bien soulagé d’avoir un peu causé avec toi, quoique je ne t’aie pas dit la centième partie de ce que j’aurais à te dire. De toi à moi, ce qui va se passer sera définitif pour la suite et me fera adopter un parti qui devra beaucoup influer sur mon avenir. Et ce ne sera pas sans prendre tes bons avis. Je ne perds pas le plus petit instant ; mon ouvrage est tout trouvé, tout établi, tout conçu : je n’ai plus qu’à y mettre les grâces de l’art.

Je voudrais bien que tu me dises comment tu vis, comment tu passes ta vie. Travaille, tu seras heureux. À présent que tu connais comment on