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exerce ; ce qui, avec une douzaine de lettres à répondre, (la tienne exceptée, ne profanons rien) ! ne me rend pas la vie du moment bien heureuse. Je t’assure que, sans mon bonheur intérieur et l’espérance d’un meilleur avenir, je pourrais en devenir fou.

J’ai le courage de continuer. Cette Vierge est si belle, me dit-on, et cet ensemble de tableau si frappant ! Oui, mais il n’y a que moi qui sache au juste où le soulier me blesse. Je ne peux disconvenir, malgré tout, que cet ouvrage ne sorte de la ligne et ne devienne, une fois fini, un ouvrage remarquable. Je ferai tant, que j’arriverai peut-être à me contenter à peu près moi-même. Mais comme personne n’est dans mon secret et dans toutes les intentions et beautés d’une certaine divinité à donner à ces figures que moi seul, et que je vois que tous les changements que j’y ai faits sont sentis et appréciés même par ceux qui m’avaient dit de ne pas le faire ; comme le temps immense que j’y mets n’est préjudiciable qu’à ma bourse, quoique j’en souffre, je pense cependant que tous ces sacrifices ne sont pas à considérer autant que ma gloire. Il te sera facile de voir que ce sujet, qui est de la parenté des Foligno, doit être difficile pour celui qui n’a d’autre ambition que de suivre de si divines traces.

Pour réparer l’espèce de pénurie où je serai au Salon, où la quantité est souvent comptée comme vertu, et pour en avoir pour tous les