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qui, lors de ta bonne dernière lettre, ne Tétait pas à beaucoup près. J’ai voulu t’annoncer qu’il est fini, non sans peines et soupirs, vu le dégoût que in inspirent à présent ces petits monstres d’ouvrages que je fais (entre nous) avec trop de conscience ; car ils me prennent, en leur petitesse et délicatesse, autant de temps qu’un grand. J’ai aussi voulu l’apprendre que je viens de finir d’ébaucher notre grande page, et te dire ce qu’on en dit déjà, petits et grands.

Ma modestie, même avec toi, doit avoir sa pudeur. En tout ce que je te dirai, je n’épargnerai rien pour rendre la chose raphaëllesque et à moi, puisant dans la nature, (cette véritable mère des grands artistes), où l’on trouve encore et où on trouvera toujours d’aussi immenses ressources que la variété et le nombre des objets que renferme son sein. À bien réfléchir, Raphaël n’est lui que parce qu’il a seulement, mieux que les autres, connu la nature. Et voilà tout son secret, secret que tout le monde connaît et dont si peu savent user pour les progrès de l’art.

Ne crois pas cependant que l’amour exclusif que j’ai pour ce peintre me fasse son singe, chose d’ailleurs si difficile et impossible. Je pense, d’après ce que tu me dis d’encourageant sur les petits objets que je t’ai envoyés, que je saurai être original en imitant. Et qui est-ce, chez les grands, qui n’a pas imité ? On ne fait rien de rien et c’est en se rendant familières les idées et inventions des autres, qu’on s’en fait de bonnes. Les hommes