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Des bandes de soudards ivres, d’affreux routiers
Ont blessé les vassaux de leur dague brutale,
Et l’on voit des vieillards sous l’auvent des moutiers
Tendre une main livide à l’aumône claustrale.

Tous ces gueux, enfin las d’attendre et de souffrir,
Ont senti tout à coup jusqu’en leurs moindres fibres,
Comme un naissant orage, éclore et tressaillir
La volonté qui dompte et la foi qui rend libre.

Et là-haut, du manoir qui brode le ciel bleu
De ses tours de granit aux ogives obtuses,
Lointaine et vague, ainsi qu’une rumeur confuse,
La chanson du combat descend comme un adieu.

Le bardit est rythmé par quatre cents poitrines ;
Vicomtes et barons, seigneurs gantés de fer,
Ayant donjon sur roc et castel sur collines,
Clament, heurtant leur glaive avec un bruit d’enfer.

Les donzels de Saint-Luc, d’Ayer et de Vissoie
Sur l’éclatante armure ont l’écharpe de soie,
Et dans la nuit naissante et pâle, les rochers
Répercutent au loin le pas lourd des archers.

Voici les damoiseaux suivis de leurs escortes,
Les sautiers arrogants drapés dans leur manteau,
Et les grands écuyers qui soutiennent et portent
Sur leurs poings arrondis l’autour ou le gerfaut.