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travaillant qu’au point de vue de l’art, il n’avait pas eu à se préoccuper de questions touchant à la politique. La malheureuse affaire Schnæbelé venait subitement arrêter tous ses travaux, compromettre peut-être l’avenir de son entreprise et engloutir les capitaux qu’il y avait consacrés. D’autre part, tous ceux qui, par un patriotisme mal entendu, par esprit de rancune ou de jalousie, avaient comploté la mise en interdiction de Lohengrin à l’Éden, se réjouissaient de cet échec.

Le 25 avril 1887, Charles Lamoureux, après avoir été mandé chez le président du Conseil, M. Goblet, se trouvait forcé d’annoncer à tous les journaux que, dans les circonstances actuelles, il avait décidé l’ajournement de la représentation de Lohengrin.

Cet ajournement ne fut que momentané. Les difficultés politiques qui s’étaient élevées du côté de l’Est ayant eu à bref délai un heureux dénouement, il n’y avait plus de motifs pour retarder la représentation d’une œuvre que tous les véritables artistes attendaient avec impatience.

Le 3 mai 1887, Lohengrin voyait, pour la première fois en France, les feux de la rampe. Ceux qui ont eu le bonheur d’assister à cette unique représentation ont remporté le souvenir ineffaçable d’une interprétation hors ligne [1], qui amena bien des conversions et qui fit dire à

  1. Les rôles étaient ainsi interprétés : Mmes Fidès-Devriès (Elsa) ; Duvivier (Ortrude) ; MM. Van-Dyck (Lohengrin) ; Blauwaert (Frédéric de Telramund) ; Couturier (le roi) ; Auguez (le héraut). Le grand succès fut pour Mme Fidès-Devriès, MM. Van-Dyck, Auguez, et pour l’orchestre et les chœurs. Dans le feuilleton du Journal des Débats en date du 8 mai 1887, Ernest Reyer écrivait : « De l’intérieur de la salle on n’entendait pas les sifflets des manifestants, mais il est bien possible que, de la rue, Messieurs les siffleurs aient entendu nos applaudissements. J’ai rarement vu pareil enthousiasme. »