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Et la tâche n’était pas facile. Il avait à lutter contre deux opinions très enracinées chez certains membres du Comité de la Société des concerts. La première est que le Conservatoire doit être, pour la musique, ce qu’est le Louvre pour la peinture et la sculpture ; la seconde tire toute sa force des oppositions faites par les abonnés eux-mêmes des concerts, lorsqu’on hasarde timidement de leur faire connaître du nouveau. Ces deux objections ne sont pas sérieuses : en ce qui concerne la première, il serait aisé de faire remarquer que le Louvre n’est pas destiné à donner asile uniquement aux chefs-d’œuvre d’un passé très éloigné, puisqu’un stage de dix années, après la mort du peintre ou du sculpteur, suffit pour faire admettre dans ce musée les toiles ou les statues venant du Luxembourg et reconnues de premier ordre. On pourrait prouver que des œuvres importantes n’ont pas toujours été accueillies à la Société des concerts, dix ans même après la disparition de leurs auteurs. Mais, d’autre part, nous ne verrions pas pourquoi on ne recevrait pas au Conservatoire, de leur vivant, les compositeurs modernes, dont le talent aurait été consacré soit au théâtre soit au concert et dont les œuvres se seraient imposées à l’admiration de tous.

Quant à la seconde, elle s’évanouit d’elle-même, si l’on admet en principe qu’il appartient aux artistes de diriger le public et non au public de guider les artistes. Pour prononcer un jugement sans appel, jetons un regard sur le passé : si Habeneck n’avait pas imposé aux abonnés du Conservatoire les symphonies du plus grand parmi les maîtres, Beethoven, quel temps se serait écoulé, avant que ces chefs-d’œuvre fussent venus dans leur rayonnante et puissante lumière !