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qui avait eu César Franck pour président, prononça l’allocution suivante :

« Je viens, au nom de la Société nationale de Musique, adresser un dernier adieu au maître disparu, à notre vénéré président.

« César Franck, Franck, le brave père Franck, comme nous disions encore hier, avec une familiarité respectueuse, comme nous dirons demain, toujours, — nous souvenant, — n’était pas seulement un admirable artiste, un des grands parmi les grands de l’immortelle famille, un de ces élus rares qui, calmes et forts, tranquilles et jamais las, sans se hâter ni s’attarder, passent presque silencieusement ici-bas avant d’aller rejoindre les grands-aïeux ; il était encore le cher maître regretté, le plus modeste, le plus doux et le plus sage. Il était le modèle, il était l’exemple.

« Sa famille, ses élèves, l’art immortel, voilà toute sa vie. Vers la fin de l’automne, dès qu’il rentrait à Paris, nous lui demandions : « Eh bien, maître, qu’avez-vous fait, que nous rapportez-vous ? » — « Vous verrez, répondait-il, en prenant un air mystérieux, vous verrez ; je crois que vous serez contents… J’ai beaucoup travaillé et bien travaillé. » Et il nous disait cela si simplement, avec une foi si naïvement sincère, de sa large voix expressive et grave, en vous prenant les mains, les gardant longtemps, presque sérieux, songeant à la fois aux chères joies qu’il avait éprouvées, lui, en composant, et au plaisir qu’il lui semblait bien que vous prendriez aussi à écouter l’œuvre nouvelle. Et c’étaient successivement l’admirable quintette, la sonate pour piano et violon, les Béatitudes, les Éolides ; l’hiver dernier, il nous donnait un absolu chef-d’œuvre, le quatuor à cordes. Et, d’année en année, César Franck semblait se surpasser toujours.