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Sa place en musique, a-t-on dit, est à côté de Bach ! Oui certes, et nous avons été parmi les premiers à proclamer que la figure de César Franck faisait songer à celle du vieux cantor de l’église Saint-Thomas de Leipzig. Mais cette ressemblance n’enlève-t-elle pas de son originalité à celui qui voulut faire revivre, avec des harmonies nouvelles, au XIXe siècle la musique du XVIIe ? La réunion de la science et de l’inspiration constitue le Beau. Cette Beauté ne vient dans son plein épanouissement que lorsque l’artiste a su se dégager des formules des maîtres, ses prédécesseurs, qu’il affectionne. Leur dérober leur passionnante tendresse pour la nature et ses manifestations, mais se garder d’imiter leur style, tel doit être le but poursuivi par l’artiste. Car, en leur empruntant ce style, il court le risque de ne jamais arriver à posséder celui qu’il pourrait avoir, s’il se laissait aller à ses sensations propres. Les œuvres des pères de l’Église musicale sont des modèles, des exemples nécessaires à suivre ; elles constituent une grammaire admirable que devront approfondir tous ceux qui se destinent à la carrière de compositeur ; toutefois cette grammaire ne portera ses fruits que si ses adeptes, n’en retenant que les grandes lignes, la fécondent par un sentiment intense. Ainsi ont procédé les grands génies, successeurs de J. S. Bach. Ils se sont abreuvés à cette source intarissable ; mais ils ont su rendre moins scolastiques, en un mot plus humaines les magnifiques formules du maître d’Eisenach. Le mot de Buffon : « Le style est l’homme même », sera toujours vrai, toujours neuf. C’est pour n’avoir pas su se dégager entièrement du faire du grand Bach que César Franck, malgré la haute valeur de telles ou telles pages de son œuvre, ne figurera peut-être pas