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votre lettre n’étant pas datée, il m’est absolument impossible, même après dix lectures consécutives, de savoir si vous l’avez écrite avant ou après le siège. Éclaircissez ce point, je vous prie.

Ce n’est pas ici le lieu de parler du gredin du 2 Décembre, ni des idiots du 4 Septembre. Nous voilà sortis vivants et bien portants, ma femme et moi [1], de toutes ces stupides horreurs ; nous sommes donc parmi les heureux.

J’ai en ce moment un ouvrage à terminer et un autre à faire presque complètement. Dès que Sardou sera rentré à Paris, je vais le tourmenter pour qu’il termine un quatrième acte qu’il veut changer presque entièrement. Une fois ce point réglé, je songerai à choisir une retraite pour l’été. J’ai très envie d’aller dans le Midi, et il se pourrait que j’allasse vous dire un petit bonjour. Je veux avoir mes deux opéras prêts pour l’hiver prochain. Si les théâtres marchent, je m’en tirerai ; si non, je ne sais à quel genre d’industrie je pourrai me livrer pour vivre. — À ce propos, donnez-moi donc quelques renseignements sur vos contrées. Y a-t-il des bois dans l’Aude ? Les bois me sont ordonnés pour Geneviève. J’aurais voulu m’installer dans un port de mer. Mais le tempérament de ma femme s’y oppose absolument.

Et vous, avez-vous travaillé ?...

Comment prend-on chez vous la situation de petite Pologne que nous font les événements, ou plutôt que nous ont faite notre stupidité et notre immoralité ?...

Nous attendons ici l’entrée des Allemands !

Triste ! triste !

À vous, cher ami, de tout cœur et mille souvenirs de Geneviève.

Georges Bizet.

  1. Georges Bizet avait épousé, le 3 juin 1869, la fille de son maître, Mlle Geneviève Halévy.