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humbles n’avait point de bornes ; au milieu de l’idéal où il vivait, des rêves poétiques qui le hantaient, il n’oubliait pas de descendre de son empyrée pour jeter un regard de commisération sur les malheureux.

On a dit de lui, également, qu’il était un Leconte de Lisle musical. Nous ignorons jusqu’à quel point la ressemblance entre l’œuvre poétique de l’auteur des « Poèmes barbares » et l’œuvre musical de l’auteur des « Béatitudes » peut être établie. Il y aurait là une étude toute particulière à faire du tempérament des deux grands artistes. Toutefois, ce qu’on ne peut nier c’est l’influence exercée par eux non pas sur tous leurs contemporains, mais sur un petit cénacle qu’ils ont fanatisé. Leur prestige a été si grand qu’ils ont inculqué à leur entourage leur manière de sentir en art et leurs procédés ; ils n’auront rencontré, au contraire, parmi la foule qu’un accueil modéré et l’on peut affirmer que la disproportion est grande entre la situation modeste qu’ils occupent près du public et la place très élevée que leur ont attribuée certains artistes, les jeunes principalement.

En tant qu’initiateur à la haute culture musicale, César Franck apparut à une époque où le besoin se faisait sentir d’une étude toute particulière et plus approfondie de l’élément symphonique et de la polyphonie. L’initiation aux œuvres merveilleuses des grands maîtres de la Symphonie, qui avait pu être ébauchée dans l’enceinte des grands concerts, ouvrait une nouvelle voie aux jeunes compositeurs français et par suite imposait un enseignement spécial. César Franck, porté d’intuition vers la richesse et l’amplitude de la forme symphonique, arriva au moment psychologique pour être le maître de cette classe de rhétorique supérieure en musique. Avec