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le nez un peu large, et le menton en coquille. L’ensemble présentait une force de concentration prodigieuse.

La tête de César Franck, bien que pétrie d’intelligence, n’accusait, pas plus que l’attitude du corps, du reste, aucune distinction, rien qui frappât au premier aspect. Le front large, les yeux petits, expressifs, pleins de vivacité, enfouis sous l’arcade sourcilière, le nez épais, la bouche prodigieusement large, le menton petit et, surtout, les bas côtés de la figure encadrés de favoris blancs lui donnaient plutôt l’apparence d’un petit avoué de province que celle d’un artiste. Son enveloppe terrestre, manquant d’idéal, paraissait être une rencontre de hasard pour son âme si haut placée.

Au point de vue moral, Beethoven était bourru, sombre, peu sociable, bien qu’il eût un amour profond pour l’humanité entière. Cet état d’âme, traversé rarement par quelques éclairs de grosse gaîté, doit être attribué, pour la plus large part, aux misères noires qui l’assaillirent, à la surdité surtout. La grande supériorité de son génie lui donnait souvent des allures hautaines et arrogantes, principalement lorsqu’il se trouvait transporté dans une société mondaine, qui ne savait peut-être pas l’apprécier à sa juste valeur. De là surgissait une extrême irritabilité qui se traduisait presque toujours par de violentes colères.

Chez César Franck, au contraire, le calme dominait, la bonté était grande ; sa figure souriante, son accueil très ouvert accusait une bienveillance toujours égale, une sérénité d’âme que rien ne pouvait troubler. Il appartenait à cette catégorie de plus en plus rare de caractères qui considèrent la bonté comme ce qu’il y a de meilleur sur la terre. Sa tendresse pour les souffrants, pour les