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Son œuvre n’est pas et ne sera jamais de nature à passionner le gros public… et son triomphe, rêvé par ses élèves et ses amis, aura des limites très bornées. Son genre de talent s’adresse aux raffinés en musique : admirateur des grands primitifs, il leur a dérobé une étincelle de leur génie, a vécu dans leur milieu, a chanté de préférence les louanges de la divinité, s’est entretenu plutôt avec les anges qu’avec les humains. Le Ciel a dû s’entrouvrir souvent pour lui laisser entendre les hosannas célestes. Si l’œuvre est quelquefois inégal, manquant de charmes, il s’y révèle une ligne immuable, bien caractéristique, qui ne s’inspire nullement du mouvement contemporain. Parmi les pages choisies, s’élevant à une très grande hauteur, il suffirait de citer, avant tout, les Béatitudes. Son admiration pour les primitifs, pour les pères de l’Église musicale ne l’empêcha pas d’admirer le génie des Beethoven, Gluck, Mozart, Méhul, Schumann, Schubert, Berlioz et Wagner. Mais ses tendances, ses tendresses allaient surtout aux vieux musiciens naïfs, dont il était le continuateur.

On a comparé la tête de César Franck à celle de Beethoven ! Il faut une certaine dose de bon vouloir pour admettre une similitude entre ces deux masques si différents. Le seul artiste contemporain, dont la figure accuserait quelque ressemblance avec celle de Beethoven, est Antoine Rubinstein. Ce qui caractérisait, avant tout et à première vue, la physionomie de Beethoven c’étaient les yeux rayonnants majestueusement portés vers le ciel. Sa tête était remarquable entre celles de tous les musiciens : la chevelure était très abondante, mais désordonnée et rétive ; le front, siège des idées puissantes, largement épanoui, la bouche toujours close,