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Première Lettre.

1866.
Monsieur,

J’ai reçu votre lettre et votre envoi —

Et d’abord, monsieur, à qui dois-je le plaisir d’entrer en relation avec vous ?…

J’ai 28 ans. — Mon bagage musical est assez mince. Un opéra très discuté, attaqué, défendu… en somme une chute honorable, brillante, si vous permettez cette expression, mais enfin une chute. Quelques mélodies… sept ou huit morceaux de piano… des fragments symphoniques exécutés à Paris… et c’est tout. Dans quelques mois, un grand ouvrage…, mais ceci est la peau de l’ours… n’en parlons pas. — Les artistes et le monde parisien me connaissent… au total 4 ou 5.000 personnes que nous nommons ici : Tout Paris !… Mais je suis parfaitement ignoré en province… Mes Pêcheurs de perles vous seraient-ils tombés sous la main et y auriez-vous puisé la confiance dont vous m’honorez ? Ce serait bien flatteur pour moi…, mais j’en doute. Dites-moi donc le nom de notre intermédiaire, afin que je puisse le remercier chaleureusement.

J’accepte en principe votre proposition. — Mais, avant de commencer, il faut que je sache ce que vous voulez faire. Si j’en crois les remarquables échantillons que vous m’adressez, vous désirez pousser jusqu’au bout l’étude de votre art. — En vérité, vous le pouvez. — Vous avez du style, vous écrivez à merveille. — Vous savez vos maîtres, notamment Mendelssohn, Schumann, Chopin, que vous semblez chérir d’une tendresse peut-être un peu exclusive…, mais ce n’est certes pas moi qui aurai le courage de vous reprocher cette préférence… Ou vous avez fait toutes vos études de contre-point et de fugue, ou vous êtes spécialement extraordinairement organisé.