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Carmen, s’il lui avait été permis d’assister à l’éclosion de ces chefs-d’œuvre : l’Anneau du Nibelung, Parsifal, etc., dans le temple élevé à Bayreuth ? Mais ce ne fut qu’en l’année 1876 que fut terminée la construction du théâtre de Wagner et qu’eut lieu, dans cette même année, la représentation de l’Anneau du Nibelung. Or Georges Bizet avait été enlevé prématurément l’année précédente, le 3 juin 1875 !

Admirateur des premières œuvres de Verdi, où se reflètent les qualités comme les défauts du maître italien, il l’abandonne lorsqu’il cherche, à partir de Don Carlos, non pas positivement à se rapprocher de l’École wagnérienne, comme le dit Bizet, mais à modifier sa manière, en opérant ce mouvement en avant, qui est le fait des grands et véritables artistes. Et cette transformation s’accentua dans Aïda et Otello.

Après la première représentation de Don Carlos, il écrit à son ami : « Verdi n’est plus italien ; il veut faire du Wagner.... il a abandonné la sauce et n’a pas levé le lièvre. — Cela n’a ni queue ni tête... Il veut faire du style et ne fait que de la prétention, etc... » C’est une opinion toute contraire à celle qu’émit E. Reyer, dans son article du 26 avril 1876, lorsqu’il rendit compte de l’exécution d’Aïda au Théâtre-Italien. Il s’exprimait ainsi : « N’est-ce pas un fait fort intéressant que cette transformation s’opérant tout à coup dans le style, dans la manière d’un compositeur qui, ayant atteint aux dernières limites de la popularité, pouvait se croire arrivé à l’apogée de la gloire ? Je n’irai pas jusqu’à dire que M. Verdi ait été touché de la grâce... Mais les tendances qu’il avait manifestées dans Don Carlos et qu’il a montrées dans Aïda d’une façon beaucoup plus évidente, n’en constituent pas moins un hommage rendu au mouvement musical contemporain et un effort sérieux vers un progrès, vers un idéal entrevu. »

Nous partageons entièrement l’avis de l’illustre auteur de Sigurd et nous estimons qu’en renonçant aux concessions faites au goût d’un public ignorant et introduites par lui dans ses premiers opéras, Verdi n’a pas abdiqué sa personnalité et