Page:Imbert - Portraits et Études, 1894.djvu/172

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ce qui se dégage, au point de vue artistique, de la lecture de ces lettres, c’est un éclectisme qui, malgré l’admiration très marquée de G. Bizet pour l’École allemande, ne le porte pas d’une manière irrésistible vers la réforme wagnérienne et lui permet de se laisser séduire par le côté sensuel de la musique italienne. — S’il place Beethoven au sommet de l’échelle musicale, il laisse un peu Wagner à l’écart. — Lorsqu’il en parle, c’est surtout pour dénigrer l’homme.

Ainsi celui, auquel les critiques de la première heure reprochaient étourdiment ses tendances wagnériennes, ne professait pour les œuvres du maître de Bayreuth qu’une admiration restreinte. Toute sa vie, il avait eu à réagir contre cette appellation de « farouche Wagnérien » qui lui avait été décochée, on ne sait trop vraiment pourquoi. Car aucune de ses œuvres n’accuse de tendances wagnériennes. — Qui sait si ce reproche constant qui lui fut adressé, bien à tort dès le principe, de s’être inféodé à la musique de l’avenir, ne l’amena pas, sans qu’il s’en rendit compte lui-même, à éprouver une sorte de répulsion pour le grand compositeur, dont il reconnaissait dans une certaine mesure les facultés géniales, mais qu’il détestait comme homme privé !

Il ne séparait pas assez l’homme de l’artiste.

Georges Bizet avait, au reste, fort peu pénétré dans les arcanes de la musique wagnérienne ; il devait même à peine connaître les œuvres de la dernière manière. Lorsqu’il avait assisté à l’interprétation de Rienzi au Théâtre-Lyrique, sous la direction de Pasdeloup, il avait été frappé de la grandeur de certaines parties de cet opéra et, malgré quelques critiques assez vives, il résumait son impression dans ces lignes : « Une œuvre étonnante, vivant prodigieusement ; une grandeur, un souffle olympien ! [1] » Qu’aurait pensé plus tard l’auteur de

  1. Lettre adressée le 1er avril 1869 à M. E. Galabert et publié par ce dernier dans une brochure publiée sous ce titre : Georges Bizet, Souvenirs et Correspondance.