Page:Imbert - Portraits et Études, 1894.djvu/142

Cette page n’a pas encore été corrigée

œuvre doit grandir en paix..... Il appelle à lui Méphistophélès, son serviteur, qui rit à part de ses chimères : « Je veux fonder un brillant empire, dessécher les marais pestilentiels, ouvrir les espaces à des myriades pour qu’on y vienne habiter, non dans la sécurité sans doute, mais dans la libre activité de l’existence. Des campagnes vertes, fécondes !..... Celui-là seul est digne de la liberté comme de la vie qui sait chaque jour se la conquérir. De la sorte, au milieu des dangers qui l’environnent, ici l’enfant, l’homme, le vieillard passent vaillamment leurs années. Que ne puis-je voir une activité semblable exister sur un sol libre, au sein d’un peuple libre ! Alors je dirais au moment : Attarde-toi, tu es si beau ! La trace de mes jours terrestres ne peut s’engloutir dans l’Œone. — Dans le pressentiment d’une telle félicité sublime, je goûte maintenant l’heure ineffable ! [1] »

Et, sur ces mots, il tombe de toute sa hauteur sur le bord de la fosse qui va l’engloutir.

La scène est grandiose.

Cet enthousiasme de Faust, avant sa mort, et ce réveil d’activité ne se retrouvent-ils pas dans Gœthe lui-même, au déclin de sa vie, reconstituant la bibliothèque d’Iéna, abattant les murailles, s’emparant de terrains nouveaux, embellissant les environs de la ville, comblant les fossés, élevant un observatoire, participant à la construction du palais de Weimar, créant la célèbre école de dessin, qui servit de modèle à celles d’Iéna et d’Eisenach, donnant, en un mot, une vive impulsion à l’activité de tous ?

  1. Dans cet extrait, nous avons suivi non la traduction française de la partition de Schumann, mais celle de l’œuvre de Gœthe par H. Blaze de Bury.