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Un subtil esprit, entre tous, un critique des plus compétents, avec lequel nous voudrions toujours être d’accord, M. René de Récy, ne partage pas entièrement notre avis sur le mérite de la traduction musicale de Faust par Robert Schumann [1]. Il reconnaît que le compositeur a suivi pas à pas le texte et respecté les vers, qu’il a senti plus profondément qu’un autre la merveilleuse beauté du dénouement ; mais il n’ose dire qu’il a rendu la grandiose mise en scène de l’œuvre, la poésie tout entière. Nous lui répondrons :

Si, dans le poème de Gœthe, on perçoit, à côté de toutes les audaces, un esprit toujours pondéré, qui calcule ses effets et rêve toujours « le divin équilibre », on découvre, sans aucun doute, dans la partition de Schumann, un esprit rêveur, idéaliste, plus apte à interpréter les poésies passionnées et troublantes d’Henri Heine ou de Lord Byron que celles de l’Olympien de Weimar. Gœthe était un classique et Schumann un lyrique. Beethoven, qui avait pensé souvent à mettre Faust en musique, possédait peut-être les qualités adéquates, de nature à nous donner une traduction, dans laquelle le développement de la pensée du poète aurait été plus fortement, sinon plus poétiquement rendu. Mais Beethoven n’a pu réaliser son projet et nous devons nous estimer heureux d’avoir possédé un génie comme Schumann pour faire vibrer les cordes de la lyre.

Ces réserves faites, il ne faut pas perdre de vue que le compositeur n’a pas eu l’intention de traduire dans son entier l’œuvre de Gœthe ; il a seulement détaché du poème, pour les mettre en musique, les scènes qui convenaient

  1. Revue bleue. — Numéro du 7 mars 1891.