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RÉTROSPECTION

ne m’avait en rien mise sur le chemin semé de roses où elle voulait m’engager avec elle. Je n’avais nulle idée du Fouet. À la laïque, dans le vertueux xvie, on ne fouette pas. Ou plutôt, on ne fouettait pas de mon temps. Maman non plus ne me fouettait pas et je ne connaissais personne alors chez qui cela se pratiquât. Je croyais que le fouet était quelque chose d’antique et de cruel, à jamais aboli et connu, de nos jours, des bébés seulement. Je n’en savais autrement que ce que m’avaient appris les livres, mes chastes livres d’histoire : je connaissais les Flagellants du moyen âge, du xiiie siècle et les Flagellants d’Henri III, comédiens sinistres ou grotesques.

Une fois, qui ne fut guère éloignée de la première, après qu’elle m’eût encore demandé de la fouetter, à l’occasion d’arithmétique ou de géométrie, ses deux points faibles parmi tant d’autres, je fus fort étonnée de l’entendre me poser cette question inouïe :

— Ta maman ?… quand est-ce qu’elle te fouette ?

J’en fus stupéfaite et indignée surtout. Tout mon orgueil se révolta, mon orgueil de grande fillette jouant déjà la demoiselle. Je ne pus lui répondre que ceci, sur un ton de hautain mépris pour une telle supposition :

— Penses-tu ?…

Aussitôt, elle me répondit :

— Moi, maman me fouette. Tiens, hier, elle m’a fouettée, parce que Mademoiselle Langlois, l’aînée, était venue acheter quelque chose, pendant que nous étions chez toi. Comme elle lui avait dit que je n’allais pas et