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BRASSÉE DE FAITS

Sans être timide, j’étais peu communicative, peu expansive. Elle, tout au contraire, extériorisait immédiatement ses sentiments, aussitôt éprouvés.

Au cours, nous étions, à côté l’une de l’autre. Nous en revenions ensemble, à midi et le soir, à cinq heures, et, bientôt, nous nous attendions pour y aller.

Moins avancée que moi, je l’aidais de mes conseils et, peut-être mon contentement vaniteux me fit-il accueillir volontiers ses efforts pour conquérir mon affection.

Bref, huit jours ne s’étaient pas écoulés que nous devenions grandes amies. Maman qui connaissait ma sauvagerie s’en étonnait, mais elle parut s’en réjouir.

La mère de Jeanne, avec qui elle entra en excellents rapports, voyait d’un bon œil sa fille choisir pour compagne habituelle une gentille fillette bien élevée, comme je paraissais l’être de tout point.

Jeanne était d’une rare douceur de caractère. Telle fut la première impression qu’elle me produisit. Elle avait pour m’embrasser des façons singulièrement prenantes. J’aimais ses grands beaux yeux qui me regardaient avec tendresse et jusqu’au geste caressant de ses mains qui, quand nous nous quittions ou quand nous nous retrouvions, saisissaient câlinement les miennes et, insinuantes, montaient le long de mes poignets et de mes bras nus, sous mes manches, écourtées encore aux premiers jours d’octobre. Ses doigts fins, avant d’arriver à mes coudes, à la saignée, je les sentais se promener si doux sur mes avant-bras que je les laissais volontiers en prendre possession. La répétition constante de ce geste familier ne me déplaisait pas et m’amusait.