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LA DERNIÈRE DE GABY

c’était, elle ne le soupçonnait même pas. Mais, de cousin à cousine, elle disait que cela ne doit pas se faire. Puis, elle ne l’aimait pas. Suivant elle, ce serait toujours un propre à rien, un coureur. Aussi je lui jurais qu’il n’y avait rien entre nous.

Le lendemain, on commence la moisson. On était vingt sur les quatre pièces du cousin. Il y en avait de Floing, d’Olges et d’autour de par-là, ainsi que quelques Belges, et Luxembourgeois venus en bécane par la route de Bouillon.

De toute la journée, cela va bien ; mais je voyais que la mère me tenait à l’œil quand Ovide tournait de mon côté ! Le mardi, rien encore. Moi, cela me démangeait. En ce moment-là, je ne sais ce que j’avais ! Aussi, le mercredi, ne voilà-t-il pas que vers les cinq heures, on venait de finir les avoines et tout le monde, éparpillé, cassait la croûte en buvant un coup. On s’était dépêché on craignait une averse. Moi, j’avais filé en douce avec Ovide, sur un signe de lui — il me faisait voir que, lui aussi, cela le démangeait — et, dans un petit creux herbu, avec trois peupliers, qui, grand comme deux billards, faisait un îlot de verdure dans cette mer jaune d’épis, je m’occupais de mon mieux, à examiner à l’envers les feuilles de ces peupliers dont la chanson, si chanson il y a, eût couvert mes soupirs. Je croyais maman auprès du cousin et de la cousine Bérard et des sept ou huit pères et mères, quand, tout d’un coup, épouvantée, j’aperçois derrière Ovide haletant, la vaste silhouette de maman, qui s’avance, tragique, détachant sa carrure du fond gris clair des nuages.