Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
UNE MAISON DE POUPÉE

faveur qu’il ne m’est pas possible de le conserver. L’on sait déjà à la banque qu’il doit être révoqué. SI maintenant on savait que la femme du nouveau directeur l’a fait changer de décision…

Nora.

Eh bien !

Helmer.

Non, peu importe naturellement pourvu que tu fasses triompher ta volonté ! Peux-tu vraiment croire que j’irai me rendre ridicule aux yeux de tout le personnel, faire savoir que je dépends de toute espèce d’influences extérieures. Tu peux être certaine que les conséquences ne tarderaient pas à se faire sentir, et d’ailleurs, il y a une autre raison qui rend la présence de Krogstad impossible à la banque tant que j’en serai le directeur.

Nora.

Laquelle ?

Helmer.

En ce qui concerne sa tache morale… à la rigueur je pourrais être indulgent…

Nora.

Oui, n’est-ce pas, Torvald ?

Helmer.

Surtout quand on me dit que c’est un bon employé. Mais je le connais de vieille date. C’est une de ces amitiés de jeunesse contractées à la légère et qui, ensuite, dans la vie, sont souvent une gêne. Pour tout te dire, nous nous tutoyons et cet homme a si peu de tact qu’il ne fait pas le moindre effort pour dissimuler en présence d’étrangers. Au contraire, il croit que cela lui donne le droit de prendre avec moi un ton familier et à chaque instant c’est un tu par ci, un tu par là. Je te jure que cela m’est on ne peut plus désagréable. Cela rendrait impossible ma situation à la banque.