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Madame Linde.

Non, Nora, il ne me reste plus qu’une vie insupportable. Personne à qui consacrer son existence ! (Elle se lève inquiète.) Aussi je n’ai pas pu demeurer là-bas dans ce recoin perdu. Ici il doit être plus facile de s’absorber dans une occupation, de se distraire de ses pensées. Si j’étais assez heureuse pour trouver une place, un travail de bureau…

Nora.

Tu penses à cela ? C’est si fatigant, toi qui as besoin de te reposer ! Tu ferais mieux d’aller prendre une saison de bains.

Madame Linde, en s’approchant de la fenêtre.

Je n’ai pas un papa qui me paie le voyage.

Nora, se levant.

Allons ! tu es de mauvaise humeur.

Madame Linde.

C’est à toi à ne pas m’en vouloir, ma chère Nora. Le pire dans une situation comme la mienne c’est qu’on s’aigrit un peu… On n’a personne pour qui travailler et malgré tout il faut regarder de tous côtés pour gagner son pain ! Ne faut-il pas vivre ? De la sorte on devient égoïste. Que veux-tu que je te dise ? Quand tu m’as annoncé il y a un moment votre heureux changement de fortune, je m’en suis réjouie pour moi plus que pour toi.

Nora.

Et comment ?… Ah ! bon !… J’y suis, tu te seras dit que Torvald pourra t’être utile ?

Madame Linde.

Oui, je l’ai pensé.

Nora.

Et ce sera, Christine. Je préparerai le terrain avec beaucoup de délicatesse, j’imaginerai quelque chose de