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Nora.

Non, c’est à toi de parler. Aujourd’hui je ne veux pas être égoïste… je ne veux penser qu’à toi. Cependant il faut que je te dise quelque chose. Sais-tu la bonne fortune que nous avons eue ces jours-ci ?

Madame Linde.

Non, qu’est-ce ?

Nora.

Songe, mon mari a été nommé directeur de la banque.

Madame Linde.

Ton mari ! ah ! quelle chance !

Nora.

N’est-ce pas ? C’est une situation si précaire que celle d’un avocat, surtout quand il ne veut se charger que des bonnes causes et naturellement c’est ce que faisait Torvald, chose que j’approuve pleinement. Tu penses si nous sommes contents. Il doit prendre possession de sa place à partir du premier janvier et alors il aura de beaux appointements et toute espèce d’avantages. Aussi vivrons-nous autrement qu’aujourd’hui, tout à fait selon nos goûts. Oh ! Christine, quel bonheur, quel plaisir ! Crois-tu que ce soit agréable d’avoir beaucoup d’argent et d’être débarrassé de toutes préoccupations ? N’est-ce pas ton avis ?

Madame Linde.

En peut-on douter ? Au moins ce doit être chose excellente d’avoir le nécessaire.

Nora.

Non pas seulement le nécessaire. Beaucoup, beaucoup d’argent !

Madame Linde, qui sourit.

Nora, Nora, tu n’as pas encore pris du bon sens. Au collège tu étais une prodigue.