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s’être élargi encore. C’est simplement merveilleux et d’une vérité supérieure et exquise. Elle a su traduire l’insouciance puérile, la gaîté écervelée et aussi les terreurs effarantes, les atroces tortures de Nora, avec autant de charme câlin que de puissance dramatiques. C’est à se demander si cette grande comédienne n’a pas en elle les ressources et le ressort d’une grande tragédienne ».

Cependant quelques Ibsénistes intransigeants, M. Alcanter de Brahm par exemple, clamèrent que si la pièce, interprétée par madame Réjane, transportait d’aise quelques féministes avancés, elle ne laissait pas découvrir le sésame de son véritable sens et que la profondeur des pensées y demeurait lettre close.

Cela était vrai, hélas ! pour quelques-uns.

Ne voyait-on pas M. Paul Perret déclarer qu’il ne pouvait faire aux Ibséniens le plaisir de considérer Maison de Poupée comme une œuvre bien conduite, forte et logique, et n’a-t-on pas entendu plus d’une spectatrice résumer ainsi son impression sur la pièce !

— Si Nora était partie avec un amant, ce serait naturel… Avec Rank par exemple, il y aurait là un certain ragoût de vice… mais partir seule c’est idiot » !

La spectatrice, qui tenait ces propos notés au vol, n’avait évidemment pas compris grand chose à la pièce d’Ibsen, mais il est douteux qu’elle lise cette préface…


Albert Savine.