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en 1879 il franchissait à peine sa première étape.

Il s’était écoulé seulement quelques années depuis que, résolu à peindre des scènes de son temps, il avait déclaré à M. Edmond Gosse qu’il renonçait « au langage des dieux » pour employer la simple prose. « Nous ne vivons plus au temps de Shakespeare, ajoutait-il, et parmi les sculpteurs on commence à discuter si les statues ne doivent pas être peintes des couleurs de la vie. On pourrait beaucoup dire sur la matière. Moi-même je n’aimerai pas à avoir la Vénus de Milo peinte, mais j’aimerai mieux une tête de nègre taillée dans le marbre noir que dans le marbre blanc. Après tout, mon sentiment est que la forme littéraire doit être adéquate à la somme d’idéalisme qui s’exhale de l’œuvre ».

Ibsen abordait donc le public avec toute l’intransigeance d’un nouveau converti et de l’apôtre d’idées nouvelles, et il allait se trouver aux prises avec un esprit non moins intransigeant, non moins ferme dans ses idées et intolérant à l’égard de toutes contradictions.

Nous autres Latins, nous sommes habitués à plus de tolérance réelle qu’il n’y en a dans l’esprit des peuples du Nord. Il y a au fond du catholicisme quelque chose de ce génie de la vieille Rome qui s’accommodait de tous les cultes et de toutes les religions et les admettait même dans ses temples à côté des divinités nationales à la seule condition que César se voie rendre les honneurs qui sont dus à César.

Le Norvégien est d’esprit moins pacifique. Il s’est créé à lui-même son credo et, par cela même qu’il l’a adopté, il ne peut concevoir qu’un autre lui demeure sourd et aveugle.

« Dans l’esprit de tout Norvégien, d’Ibsen comme du dernier pâtre des Valders, a remarqué Maurice