Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
UNE MAISON DE POUPÉE

que tu avais découvert que j’étais plus fragile. (Elle se lève.) Écoute, Torvald. À ce moment il m’a paru que j’avais vécu huit ans dans cette maison avec un étranger, et que j’avais eu de lui trois enfants. Ah ! je n’y veux pas penser. Cela me donne envie de me déchirer moi-même.

Helmer, sourdement.

Je le vois hélas ! je le vois. Il s’est ouvert entre nous un abîme, mais dis, Nora, ne peut-il se combler ?

Nora.

Telle que je suis maintenant, je ne puis pas être ta femme.

Helmer.

Je puis me transformer.

Nora.

Peut-être, si on t’enlève ta poupée.

Helmer.

Me séparer de toi ! de toi, non, non, Nora. Je ne puis me résigner à cette idée.

Nora, se dirigeant vers la porte de droite.

Raison de plus pour en finir.

Elle sort et revient avec son manteau, son chapeau et un petit sac de voyage qu’elle pose sur une chaise près du guéridon.
Helmer.

Nora, pas encore, pas encore. Attends demain.

Nora, mettant le manteau.

Je ne puis passer la nuit sous le toit d’un étranger.

Helmer.

Mais nous pouvons vivre par la suite comme des frères.

Nora, mettant son chapeau.

Tu sais bien que cela ne durerait pas longtemps. (Jetant le châle sur ses épaules.) Adieu, Torvald, je ne veux