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UNE MAISON DE POUPÉE

Nora.

Je ne parle pas de préoccupations. Ce que je veux dire c’est que jamais en rien nous n’avons regardé ensemble le fond des choses.

Helmer.

Mais voyons, ma chère Nora, est-ce là une occupation pour toi.

Nora.

Voilà bien le fait, tu ne m’as jamais comprise. Vous avez toujours été très injustes envers moi, papa d’abord et toi ensuite.

Helmer.

Quoi ! tous les deux ! Mais il n’y a personne qui t’ait aimée autant que nous.

Nora, secouant la tête.

Jamais vous ne m’avez aimée. Il vous a paru agréable d’être en admiration devant moi ni plus ni moins.

Helmer.

Voyons, Nora, que veut dire ce langage ?

Nora.

Je te le dis, Torvald. Quand j’étais avec papa, il m’exposait ses idées et je les suivais. Si j’en avais d’autres qui me fussent personnelles, je les cachais, parce que cela ne lui aurait pas plu. Il m’appelait sa poupée et jouait avec moi comme je jouais avec les miennes… Ensuite je suis venue chez toi.

Helmer.

Tu emploies des expressions singulières pour parler de notre mariage.

Nora, sans changer de ton.

Je veux dire que des mains de papa je suis passée dans les tiennes. Tu as tout arrangé à ton goût, et je partageais ton goût ou je le laissais croire, je ne puis le dire