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UNE MAISON DE POUPÉE

Helmer, près de la porte qui est restée ouverte.

Bien, repose-toi, tâche de calmer ton esprit. Petit oiseau effarouché, repose en paix. J’ai des ailes assez larges pour t’abriter. (Il marche sans s’éloigner de la porte.) Oh ! quel foyer paisible et enchanteur que le nôtre, Nora ! Tu es ici en sûreté. Je te garderai comme si tu étais une colombe recueillie par moi, après que je l’ai tirée saine et sauve des serres du vautour. Je saurai calmer ton pauvre cœur palpitant. J’y réussirai peu à peu. Crois-moi, Nora, demain tu verras tout avec d’autres yeux. Tout continuera comme auparavant. Je n’aurai pas besoin de te dire à tout instant que je t’ai pardonné, parce que toi-même tu le comprendras sans aucun doute. Comment peux-tu croire, que je veuille te repousser, ni te faire aucun reproche ? Ah ! tu ne sais pas ce que c’est qu’un vrai cœur d’homme ! Il est si doux, si agréable pour la conscience d’un homme de pardonner sincèrement du fond du cœur. Ce n’est pas seulement sa femme qu’il voit dans l’être pardonné, c’est aussi sa fille. Ainsi tu me paraîtras dans l’avenir, petit être effaré, sans boussole. Ne te préoccupe de rien, Nora. Sois franche avec moi, pas davantage, et je serai à la fois ta volonté et ta conscience… Tu te tais… Tu ne t’es pas couchée… tu t’es rhabillée ?

Nora, avec ses vêtements de la journée.

Oui, Torvald, je me suis rhabillée.

Helmer.

À cette heure pourquoi ?

Nora.

Je ne dormirai pas cette nuit.

Helmer.

Mais, ma chère Nora…

Nora, regardant sa montre.

Il n’est pas tard encore. Assieds-toi, Torvald, il faut que nous causions.