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Ibsen, longtemps considéré comme un auteur obscur, dont la pensée s’enveloppait des brouillards du Nord, est ainsi devenu, du jour au lendemain, le plus clair des écrivains pour les gens dont le jugement n’est que le reflet de la pensée de la masse. Qu’y avait-il de changé ?

Rien en fait que le point auquel ils se plaçaient pour juger. Mais ce rien-là, c’est tout. Bien peu, en effet, sont capables de se préoccuper de rechercher pourquoi, lors de sa première présentation au public, le grand écrivain norvégien leur paraissait si difficile à comprendre et je ne suis pas sûr, je l’avoue, que, même une minorité de ceux qui prétendent le comprendre aujourd’hui, soient en état, sans initiation préalable, d’aborder la lecture de ses œuvres.

Il en est ainsi, d’ailleurs, pour tous les écrivains étrangers. Comme ils nous apportent l’écho d’une pensée qui n’est point la pensée française, qu’ils sont la résultante d’un milieu différent du nôtre, quelques données ne sont jamais un vain bagage pour s’introduire dans la communion d’œuvres exotiques et il y a toujours lieu de jeter, au préalable, un coup d’œil, d’une part sur le passé de l’homme qui les crée, de l’autre sur le milieu ambiant qui les engendre et les couve.

C’est ce que fit en 1889 le comte Prozor dans une étude qui était, pour le temps et les dispositions du public, ce que l’on pouvait rêver de plus complet. Aujourd’hui, des explications complémentaires, une analyse plus minutieuse des caractères créés par le maître, ne seront ni superflues ni inutiles.

Le public est mûr pour les lire.

À l’époque où Ibsen écrivit Une Maison de Poupée, — c’était en 1879, — il vivait en Italie.