Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.


À PROPOS
D’UNE MAISON DE POUPÉE



« Serons-nous de la fête, Madame ? Oui, qui sait quand la colombe messagère nous apportera l’invitation ? Nous verrons. Jusque-là, je me tiendrai dans ma chambre avec des gants glacés ; jusque-là, je chercherai la retraite et j’écrirai des vers distingués sur le velin. Cela fâchera la vile multitude ; on me traitera sans doute de païen ! mais la foule m’épouvante ; je ne veux pas me laisser éclabousser par la fange ; je veux en habits d’hyménée sans taches attendre que les temps approchent ».

Les temps sont venus. La victoire de son art, qui s’est fait si longtemps désirer, a été complète, et, quand Ibsen est mort, ceux-là mêmes qui avaient été les plus ardents à protester contre son « génie nébuleux » et ses « obscurités » pour eux impénétrables, n’ont pas eu assez d’encens à brûler pour célébrer sa gloire. À ceci, rien d’étonnant ! Les hommes d’avant-garde ne peuvent être suivis que de loin par la masse, mais quand celle-ci arrive en troupeau serré, rien ne prévaut contre l’enthousiasme de son débordement.