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vres et par des gestes d’art qu’un courant irrésistible provoque à un moment donné de l’histoire peut créer quelque Julien Sorel, comme elle peut susciter un Napoléon. Les Julien seront broyés par l’appareil social et les Napoléon s’empareront de cet appareil et le feront servir aux fins vers où les pousse irrésistiblement l’impulsion reçue. C’est à l’art de donner cette impulsion. C’est à lui d’alimenter la fournaise d’où sortiront, il faut l’espérer, les natures entières et belles dont nous avons besoin. C’est à lui de fournir le moule. Laissons des mains grossières détruire et balayer les produits avortés. C’est leur affaire. La nôtre est d’attendre l’œuvre parfaite, l’œuvre belle, et celle de l’art est de la préparer. Il a, pour cela, une condition première à réaliser. Il a une fonction à remplir. Il a un but final à atteindre. Il doit être :

Evocateur de vie,

Générateur d’énergie,

Créateur de beauté, de beauté rayonnante et dominatrice, telle qu’un individu de pensée et de force peut seul l’incarner en lui.

Ibsen est venu au moment où tout imposait à l’art ce caractère essentiel. Son théâtre est né d’un effort qui n’est pas seulement son effort. À ceux qui s’y associent d’une volonté réglée et opiniâtre comme la sienne d’être ses interprètes ou d’être ses continuateurs !

Ecrit à bord du paquebot « Prinz Waldemar », entre Lisbonne et Rio-Janeiro. Achevé à Pétropolis le 30 octobre 1904.
M. Prozor.