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théâtrales ». Elle l’a conduit à la loi non pour se soumettre à elle, mais pour remployer comme un instrument docile et éprouvé.

Il ne s’en est pas tenu là et n’a pas seulement respecté les vieilles lois de son art. Il a fait plus. Jamais Ibsen ne s’est élevé, à l’instar de Dumas et de maint autre dramaturge, contre telle règle, contre telle prescription particulière inscrite dans le code. Nous ne le trouvons nulle part rompant en visière contre un article de la loi, et l’on est, après tout, fondé à ne voir dans le cri d’exaspération poussé par Mme Alving qu’un symptôme de son état d’âme à elle, et non de l’état d’esprit de l’auteur. N’ajoute-t-elle pas aussitôt : « Voyez à quoi j’en suis réduite ? » Ce qui permet de croire qu’Ibsen combat non point les conditions légales qui régissent la société, mais les conditions morales par qui tant d’âmes supérieures sont poussées à la révolte contre l’ordre établi. Ce n’est pas cette révolte qu’il a en vue quand il parle de « révolutionner l’esprit humain », ce qui est, à vrai dire, moins dangereux pour la tranquillité publique que la plus petite grève de cochers de fiacre. Non ! Ibsen a une instinctive répugnance contre tout ce qui trouble la tranquillité publique. Plus qu’un autre, c’est le capitaine Horster qui, dans Un Ennemi du Peuple, est son porte-paroles quand, au mot grotesque de Billing : « Il faut que tout le monde soit au gouvernail, » il répond : « Je ne sais si les choses se passent ainsi sur terre ferme, mais, chez nous, cela ne réussirait guère. » Ibsen sait que, lorsque la tranquillité publique est troublée, elle l’est immanquablement au profit des