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d’un interviewer, à qui j’avais déclare que j’étais anarchiste en matière de règles théâtrales et qui n’a pas manqué d’annoncer aussitôt qu’Ibsen se déclarait anarchiste. » Le journaliste en question aurait fidèlement transmis les paroles de son illustre interlocuteur qu’il aurait été démenti non par Ibsen, il est vrai, mais par le théâtre d’Ibsen. Peut-être même ce qu’on a fait dire à l’auteur d’Un Ennemi du Peuple et de Solness le constructeur est-il plus près de la réalité que ce qu’il a vraiment dit. Par un contraste dont il est, d’ailleurs, parfaitement inconscient comme son propos le prouve, plus il s’attache à démontrer la caducité de ce qui fut construit de main d’homme non seulement autour de nos destinées, mais encore au dedans de nos âmes et de nos consciences, la caducité de nos remparts intérieurs comme celle de notre citadelle intérieure, et plus il accentue, comme artiste, le caractère intangible de l’édifice qui l’abrite, lui, de l’édifice, si frêle en apparence, des vieilles lois théâtrales. Non seulement il restaure de plus en plus, à mesure que son art s’affermit, les trois unités matérielles, unité de temps, d’espace et d’action, mais il y ajoute trois unités morales, unité de caractère, d’idée et de volonté, de caractère dans ses personnages, d’idée dans l’ensemble de son œuvre, de volonté en lui-même.

C’est cette dernière, inflexible et puissante, véritable volonté de puissance dans le sens que Nietzsche attachait à cette expression, c’est elle qui, contrairement à sa volonté consciente, l’a empêché, quoi qu’il en dise, d’être « un anarchiste en matière de règles