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Et la Femme-aux-Rats pénétrant inopinément dans la maison des Almers, agira aussitôt sur le point faible et obscurcira du premier coup le cerveau surmené d’un enfant débile.

Ces forces mystérieuses, nous les rencontrons dans la vie et celui-là aurait fait du monde un tableau imparfait et faux qui aurait néglige d’en tenir compte. Ibsen, en les représentant, n’a pas voulu créer des abstractions, des symboles. Il a reproduit de fortes impressions personnelles en nous laissant deviner tout ce qu’elles ont vaguement suggéré à son esprit de penseur et de poète. Et les figures qu’il a burinées d’après cela doivent être reproduites de la même façon. Ibsen, dans un coin de son être, a gardé intacte la sensitivité et la fantaisie qui le dominaient enfant. C’est cet élément de sa nature qui a produit les figures dont je parle ici. Elles le fascinent, l’effraient et l’amusent. Plus d’un de nous conserve en lui un élément de même espèce, un coin d’enfance dont un artiste penseur interprétant Ibsen arrivera à trouver le chemin. J’espère me faire comprendre de lui en lui disant : « Amusez-nous mais amusez-nous comme on amuse les enfants sensitifs, intelligents et poètes, qui veulent, en s’amusant, penser et aussi avoir peur un peu, avoir peur delà vie, la trouver très intéressante, intéressante jusqu’à les effrayer. Il faut que l’impression que vous nous donnez soit une impression de vie bien intense, d’une intensité d’impression enfantine. Il faut que les idées qu’elle éveille s’éveillent comme les idées d’enfant le font en pareil cas, à demi obscures encore, mais impérieuses et obsédantes. Cette