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tomber les masques des visages de Hovstad, d’Aslaksen, envenime Billing, surexcite Pierre Stockman. Il faut la faire éclater, mais en son temps. Je n’aime pas du tout les effets préparés d’avance « pour ne pas dérouter le spectateur ». Je n’aime pas les Nora tourmentées dès le début (erreur que commet une des plus grandes artistes de la scène allemande), je n’aime pas les Oswald grimaçants et crispés aussitôt en scène, le tout en contradiction avec ce qu’ils disent et ce qu’ils font, à moins que l’interprète ne donne à ce qu’ils disent et à ce qu’ils font une expression forcée, qui n’est nulle part indiquée dans le texte. C’est précisément ainsi qu’on arrive à dérouter le spectateur. Il n’y a pas là, d’ordinaire, la moindre psychologue. Il n’y a qu’un acteur ou qu’une actrice préparant visiblement et maladroitement son grand effet du trois, ou du quatre, ou du cinq, grand effet qui, les trois quarts du temps, est lui-même en désaccord complet avec les intentions de l’auteur. Si on veut le faire comprendre, qu’on commence par le comprendre soi-même. Le meilleur moyen, pour cela, c’est de suivre ponctuellement les indications de cet instructeur de premier ordre, à qui le théâtre de Bergen dut jadis des années de prospérité et qui, aujourd’hui, tient à diriger, autant que possible, en caractérisant les personnages, en notant les mouvements, en précisant les jeux de scène, la représentation de ses propres pièces comme il a, un jour, dirigé celles des œuvres d’autrui. Qu’on s’abandonne à lui. C’est l’unique façon de s’assimiler sa pensée. Qu’on ait confiance en Ibsen et confiance dans le public.