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chez l’homme, est, malgré sa rapidité, logiquement apparent et régulier. Chez la femme, il se produit en dessous. La logique est plus difficile à découvrir. Elle n’en est pas moins absolue, ses conséquences, apparaissant en traits soudains, doivent nous frapper, mais non pas nous désorienter en nous surprenant trop vivement. Le travail sourd et précipité qui amène les déterminations subites d’une Mme Stockman, par exemple, si sensée, si timorée au début et, tout à coup, par mouvement spontané, se rangeant du côté de son mari attaqué et le soutenant dans sa lutte contre tous, ce travail est toujours le combat de deux instincts. Dans Un Ennemi du Peuple ce combat est remarquablement rendu par la fougue avec laquelle Mme Stockman se précipite sur la scène pour détourner son mari de sa folle équipée et par la fougue non moins grande avec laquelle, exaltée par la situation, elle lui dit ensuite : « Je suis avec toi. » Cela demande à être dignement rendu.

J’ai mentionné à dessein cet épisode pour indiquer l’importance, chez Ibsen, des personnages et des scènes de second plan. Il n’y en a pas qui ne contiennent une force concourant à l’effet général et qu’il faut faire valoir pour que cet effet se produise. Il n’y a pas de trous chez Ibsen. Un mauvais jeu peut seul en produire. En général, il faut se souvenir que l’effervescence amenée par les réactifs dont je parle est, chez les personnages, une effervescence de passion, mais que la passion ne devient visible que lorsque le réactif a opéré. La passion, convoitise, cupidité, amour jaloux du pouvoir, amour-propre blessé, — fait