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L PREFACE

Et puis qu’ils imitent aussi le maître dans son art merveilleux de développer les caractères au courant de l’action. Plus encore que celle-ci, les caractères que nous présente Ibsen nous ménagent des révélations constantes et progressives. Que cette progression soit observée par l’acteur. Il y a, dans chaque personnage d’Ibsen, une admirable unité de nature. Mais elle s’exprime en transformations logiques, non en figures stéréotypées. Grâce à ces transformations et à ce qu’elles ont de nécessaire, nous acquérons de ces personnages une connaissance que nous n’aurionsjamais eue sans cela, quelque soin que l’acteur eût mis à composer son rôle. Ici ce soin doit consister aménager avec une extrême finesse la gradation des effets. Il faut que les êtres se révèlent à mesure que le drame avance. Il faut que nous les comprenions non par ce qu’ils sont dès l’abord, mais par ce qu’ils deviennent et ne peuvent pas ne pas devenir. Il faut que le Thomas Stockman de la fin, provocant et superbe, nous paraisse impossible sans le Stockman du commencement, avec sa folle générosité, mais aussi avec la fière conscience de sa supériorité bienfaisante. Les physionomies doivent être unes, mais non point uniformes. Elles se dessinent sous l’effet des réactifs, — je veux dire, encore une fois, des circonstances, des crises déchaînées, de ces crises qui amènent presque subitement les caractères à maturité et qui, par le raccourci de l’action, aident à produire l’illusion scénique, — raccourci du temps et de l’espace. Sur chaque être le réactif influe d’une façon particulière. La diversité des natures s’accentue. Le développement,