Page:Ibsen - Un ennemi du peuple, trad. Prozor, 1905.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée

lois qui, pour porter le nom d’esthétiques, n’en sont pas moins impératives. Que dis-je ? plus impératives mille fois, puisque éternelles, que tous les codes de lois morales, écrits, traditionnels ou tacites.

Ibsen nous en donne une preuve éclatante que je vais relever pour conclure.

IV

Supposons Un Ennemi du Peuple écrit par un de ceux qui parlent d’inaugurer un genre nouveau, le théâtre d’idées. Nous pouvons être à peu près sûrs d’une chose : lors même que la scène de la réunion publique, si superbe de mouvement et de vie, n’aurait pas tourné, chez lui, à la conférence théâtrale, et je ne vois pas trop l’auteur échappant à ce casse-cou, il y en a un autre qu’il lui aurait été presque impossible d’éviter. L’apôtre, une fois déchaîné en lui, n’aurait pas manqué de jeter, à la fin, l’artiste pardessus bord. Emporté par le souffle qui déblaie le monde, il se serait senti prêtre, prophète, que saisje ? Transformant le théâtre en temple, il se serait mis à prêcher, à vaticiner et nous aurions vu,’au dernier acte, le rideau se lever non sur une action scénique, mais sur quelque péroraison dialoguée comme on nous en a servi plus d’une depuis lors.

Au lieu de cela, que voyons-nous chez Ibsen ? Les personnages apparaissent de plus en plus vivants, sous l’action des circonstances amenées par le jeu même de leurs caractères. Ces circonstances exercent