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tants et désespérés à des amis qui, toujours, finissaient par le fuir, témoignent des souffrances auxquelles il fut condamné et qui causèrent, à n’en pas douter, ses maladies et sa mort précoce. En un mot, « l’homme le plus seul » d’Ibsen ce ne fut pas Ibsen, qui fuyait l’amitié, ce fut Nietzsche, qui la recherchait éperdûment. Demandez plutôt ce qu’il en pense à M.  Georges Brandes, qui reçut de l’un et de l’autre des confidences épistolaires dont la publication simultanée a, elle aussi, de quoi frapper les esprits. Demandez-lui qui de ces deux hommes fut réellement le plus seul. Il doit s’y connaître, lui que sa propre destinée a rapproché du type de Thomas Stockman.

Qui sait même s’il ne fut pas pour quelque chose dans la création de ce type, sa figure, je le sais, s’étant à mainte reprise imposée à Ibsen en quête de caractères. Et demandez aussi à M.  Georges Brandes qui des deux il juge le plus fort, qui des deux produisit et communiqua à d’autres la plus grande quantité d’énergie. Il a, pour en juger, un excellent dynamomètre à sa disposition : je veux dire la jeunesse qu’il a si puissamment contribué à former au sein de la population à la fois éveillée et réfléchie que lui fournissait son pays natal. Gourant ibsénien et courant nietzschéen, ce dernier créé en Scandinavie par M. Brandes lui-même, sont là en présence. Us sont distincts, comme distinctes, quoique indissolublement associées au même mouvement, les natures des deux grands protagonistes. Lequel des deux est aujourd’hui le plus fort ? Lequel donne le plus d’impulsion au mouvement ? Ibsen, chez qui résonne tou-