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même année qu’un Ennemi du Peuple. Les deux œuvres sont de 1883.

Cet individu ne peut naître dans le monde tel qu’il est, soumis à l’esprit de compromission, aux règles et aux lois que cet esprit suggère. Thomas Stockman appelle donc à lui tout ce qui s’affranchit de ces règles et de ces lois. À ses petits vauriens de fils, il demande de lui amener des vauriens encore plus indisciplinés qu’eux, pour essayer de trouver là les germes d’une race nouvelle. Et, comme les deux gamins ont été chassés de l’école, simplement parce qu’ils sont ses fils, c’est lui-même qui, désormais, se charge de leur éducation. Il ne leur apprendra qu’une chose : être des hommes libres.

À cette idée, à cette préoccupation de la génération qui va venir, à ce mot d’ordre jeté à la jeunesse et à ses éducateurs, aboutit l’œuvre dont nous nous occupons. N’ai-je pas eu raison de l’appeler optimiste ? Ne voyons-nous pas, alors que toutes les bassesses, tous les dégoûts, toutes les ténèbres morales s’épaississent au dernier acte de la pièce, le plus comiquement et le plus tragiquement magistral de tous, à cet acte où grimace, entre autres, la figure de Martin Kül, l’oncle à héritage, homme seul aussi, en lutte contre la société dont les représentants l’ont blackboulé, — placé là par l’auteur pour rendre visible et palpable la distinction qui existe entre l’isolement et la révolte par égoïsme et par rancune et l’isolement et la révolte par générosité, — ne voyons-nous pas, dis-je, à ce moment même, l’irruption soudaine d’un rayon puissant d’audace et de foi dans l’avenir ? Et voici que