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tère de l’œuvre. Chacun d’eux a voulu, contre une belle indemnité, faire passer ces conduites par son terrain. Or, sur ces terrains, s’élèvent des usines, des Fabriques. Celles-ci distillent des immondices dont l’eau curative s’imprègne à son passage. À ce mal essentiel il n’y a à opposer qu’un remède radical : fermer l’établissement, établir la prise d’eau au-dessus de tous les foyers d’infection, transformer le système des conduites, lui donner une autre direction et rendre ainsi à l’entreprise son caractère originel et bienfaisant. Alors seulement le public pourra être convié. Jusque-là il y aurait crime à s’enrichir aux dépens de gens qu’on empoisonne en leur promettant la santé.

Le Dr Stockman communique sa découverte aux hommes du Messager du Peuple, Hovstad et Billing, ses commensaux, ses intimes, dont le dernier se contente de sa bière et de son rôti, tandis que le premier convoite la dot présumée de sa fille, à tailler dans la fortune d’un oncle à héritage. Car Thomas Stockman lui-même, généreux et imprévoyant, n’est arrivé qu’à gagner presque autant qu’il dépense, comme il le dit naïvement et fièrement à son frère. Son sort est intimement lié à celui de l’établissement, ce à quoi il ne songe pas un instant quand il s’agit de révéler la vérité au peuple.

Comment le peuple la reçoit-il, la vérité ? Comme il l’a toujours reçue. Les intéressés, la maire en tête, se chargent d’abord d’établir la solidarité qui existe entre eux et leurs administrés. Le fardeau étant trop lourd pour le faire supporter par les gros actionnaires de l’établissement, qui sont, en même temps,