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tions démontre l’extrême rareté des révolutionnaires par tempérament qui ne soient pas prédestinés à leur rôle par des causes ataviques. Un révolutionnaire parti d’en bas est, en général, révolutionnaire par état d’esprit plutôt que par état de nature. Sous diverses influences, sa raison a conçu un système nouveau qui, même s’il réussit à se substituer à l’ancien, deviendra toi ou tard aussi caduc que ce dernier. Ou bien encore, il y a été entraîné par un courant révolutionnaire déchaîné, qui, déjà, commence à s’endiguer dans des formes précises. Un nouvel ordre se dessine, auquel notre homme s’associe prestement. Tout cela n’est certes pas le fait de natures vraiment libres, par essence et non par raisonnement, de natures qu’une impulsion intime élève au-dessus de toute institution, quelle qu’elle soit, ancienne ou nouvelle.

Ces natures libres, Ibsen les a puissamment conçues et il se sent irrésistiblement attiré vers elles par une loi de sa propre personnalité. À propos de données biographiques, Ibsen a essentiellement tenu à faire remarquer à M.  Georges Brandes qu’il appartenait au patriciat de Skien, sa ville natale. De même, Nietzsche, dans une occasion analogue, a commencé par signaler à M.  Brandes sa descendance d’une famille noble de Pologne. Ainsi, l’un et l’autre ont voulu se placer non seulement en dehors de leur communauté, dont ils se sont séparés avec violence, mais encore au-dessus d’elle. Je reviendrai plus loin à cette correspondance de M. Brandes avec Ibsen et avec Nietzsche et au parallèle qui s’impose entre ces deux hommes. Il ne s’agit pas, chez Ibsen, de tendances poli-